janvier 2007 à Paris
4 janvier 2007 mes belles amies je les prends par la main et je les emmène dans des cachettes, des restaurants à l'entrée bien gardée, des cafés où l'on nous laisse nous installer tranquillement sous le regard bienveillant des serveurs, et je sers leurs mains très forts entre les miennes, j'écrase mes lèvres contre leurs joues et je parle en riant, mes yeux brillent autant que les leurs je crois. devant un thé vert à la menthe Ophélie (B) me raconte Toronto, les grattes-ciel qui se dressent sans fin vers le bleu et l'absence de la beauté à laquelle Paris nous a habituées, les quartiers chinois et italiens et les étudiants venus d'Europe, d'Asie, d'Amérique. M repart à Berlin dans quelques jours j'oublie d'être triste en l'écoutant parler de nos garçons de nos corps de nos découvertes et de la sensation d'être étrangère, j'ai terriblement confiance en elle, jusqu'à l'aveuglement peut-être, je me sens rassurée lorsque je marche à ses côtés dans la nuit pour attraper un métro - et si aujourd'hui j'ai moins peur qu'il y a un an, si j'apprivoise Paris doucement, si je marche seule et fière indifférente aux regards jetés, je continue à me sentir toujours plus rassurée lorsque mes belles amies m'entourent. leurs bras pour me tenir, leurs épaules pour pleurer, leurs yeux pour reprendre courage et la poussée soudaine dans le dos, le désir d'aller en avant, d'aller dans la danse comme dans l'arène, se lancer avec fierté et insouciance sans rien savoir, sans rien savoir.
5 janvier 2007 oh la petite fille qui ne dort pas la petite fille qui se réfugie dans ses livres et ses cahiers la petite fille qui écrit pour rattraper le retard - pas un mot écrit aux états-unis et la fatigue si lourde depuis - je suis plongée la nuit dans les journaux d'Anaïs, de Sylvia et d'Alix, je ne sais pas où chercher le poids qui fermera mes paupières, la nuit je ne dors pas et le jour je me maintiens dans un état de somnolence - elle fait glisser ses doigts en bas de son ventre elle fait ça pour avoir chaud pour sentir les reins brûlants dans le creux de son dos -
6 janvier 2007 Noroise attend calmement dans son box, aujourd'hui elle est plus sage qu'il y a quelques mois, elle ne piaffe plus ne tourbillonne plus elle se montre presque docile et elle tend son encolure souple, épaisse, pour que je passe les rênes par dessus sa tête - elle me semble plus légère plus fine alors que sa musculature s'est terriblement développée, ses formes en tous cas sont plus saillantes et elle me plaît ma petite jument, elle me plaît avec son caractère rebelle, jument-star qui refuse de poser un sabot dans l'eau, ses démarrages au grand galop depuis le fond du manège mais je commence à connaître par coeur ses tours et je ne me fais plus avoir - ça ne l'empêche pas de recommencer de chercher encore à s'amuser et finalement nous rentrons toutes les deux lorsque la nuit est tombée, retrouver la chaleur de la paille, la chaleur dégagée de la peau de ma jument.
7 janvier 2007 21 ans et elle ne sait plus, elle ne sait plus rien, elle ne sait plus si elle l'aime, si elle aime des souvenirs de lui ou encore sentir son corps contre le sien - il y a deux mois elle disait qu'elle viendrait qu'elle le retrouverait l'océan ne la retiendrait pas elle rêvait les nuits entre ses bras elle gardait l'image d'un amour parfait - aujourd'hui elle doute elle a peur elle refuse le choix et par là-même refuse d'aimer, il lui manque parfois et sa voix est douce, ses mots sont attentifs, son oreille écoute mais les certitudes sont ébranlées - le fondement ou la surface, l'essentiel ou le superficiel ? ses attitudes l'agacent parfois et ses attentions douces la touchent d'autres fois, elle n'arrive pas à déméler l'écheveau de bobines sentimentales enroulées à l'intérieur d'elle.
8 janvier 2007 Elle porte une jupe courte en velours noir, des bas transparents satinés, une chemise aux rayures verticales et des chaussures noires, pointues bien sûr. Long manteau noir qui cache la tenue, et les cheveux longs si longs, d'un châtain trop clair il est temps d'y verser de l'acajou, le visage pâle et les yeux cernés... Le corps fin et les doigts de brindille, la peau si blanche... C'est l'hiver bleu et blanc.
9 janvier 2007 Quelque chose qui gonfle dans le coeur. Quelque chose qui ne se contrôle pas, un ballon qui prend de l'ampleur dans la poitrine, une bulle d'émotion — est-ce de l'enthousiasme ou de la tristesse ? Je ne sais pas. Ce soir j'ai eu envie de rire très fort, de rire la gorge renversée, un peu d'alcool et de musique aurait suffi, et puis comme si j'avais traversé cette euphorie — la lente descente, la perte de l'illusion, la mélancolie. Je n'ai plus qu'une envie, dormir, tout éteindre, faire silence, et plonger dans l'oubli. Je me sens légère. Attendre chaque jour, chaque lendemain, sans trop d'impatience, sans peur, avec la seule excitation de vivre ce qu'on ne connaît pas encore. Je suis excessivement jeune. Tout me déborde. Je jouis de la vie.
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