Janvier 2006, Paris/Seattle

 

 

1er janvier 2006

Le train qui file dans la nuit - je pense à ce texte de Philippe Delerm, celui qui exprime le sentiment rassurant d'avancer la nuit protégé à l'intérieur d'une voiture, dehors des lumières brillent et le train avance à toute allure, c'est le moment du retour, le goût amer de la fin des vacances, la sécurité de retrouver à moitié endormi le lit où l'on s'abandonne parce que le train n'a pas cessé de tanguer, de nous bercer, dans les oreilles j'ai la musique de M que nous écoutons ensemble, je tiens sa main dans la mienne, l'assoupissement qui s'empare des voyageurs, j'épluche une mandarine et je mange une part de gâteau au chocolat, je lis Duras et je rêve, je suis amoureuse mais de mille garçons, j'ai envie de pleurer, la déchirure de rentrer et de s'éloigner de la douceur de mes amies, dans quelques jours je repars aux Etats-Unis et il y a ce sentiment si étrange toujours lorsque je me trouve à Paris, sur le quai de la gare il pleut et j'ai froid, Paris me fait mal au coeur, cette ville que j'ai dans la peau et que je ne supporte plus, c'est presque le sentiment des retours tristes le dimanche soir de la gare de Meaux jusqu'à Paris, je ne sais pas bien, mille choses qui s'ajoutent les unes aux autres, je suis fatiguée de penser qu'un garçon m'attend, seulement maintenant de tout cela je ne m'inquiète plus.

 

2 janvier 2006

J'arrive triste et sombre, bercée par les derniers jours passés loin de la ville haïe, sur le quai j'ai si froid, et puis soudain il est là et c'est la sérénité qui s'installe en moi, qui calme l'angoisse, c'est la chaleur et le réconfort de savoir que la nuit entre ses bras me rassurera.

Toute la nuit nous avons fait l'amour. Et le matin m'a semblé beau, quand le soleil s'est levé derrière la brume qui cachait aussi le Sacré Coeur.

Histoire sans éternité, relation de non-avenir, mais elle participe de mon extraordinaire sérénité connue à l'étranger - c'est Paris qui me rend folle - et j'y trouve un réconfort peu connu, un garçon m'aime et prend soin de moi, il m'envahit de tendresse et de dévouement ; et c'est pour cela que notre histoire se crée, au fur et à mesure, et même si je ne cherche pas l'éternité, le toujours, même si je mesure chaque différence de sensibilité, je refuse de penser que nous devrions tout arrêter, par manque d'amour absolu. Chaque histoire même improbable vient pour un instant me faire grandir, me faire découvrir, me rassurer.

 

3 janvier 2006

Le sommeil ne vient pas, la nuit j'écris et j'écris encore, je remplis des carnets, le cahier à la couverture chinoise, des azalées peintes à l'encre par Chao Shao-an, j'écris des choses qui n'ont pas de sens, je note qu'il faudrait appeler O et P, que je prendrai des vacances au mois d'août, que je veux habiter dans un quartier récent, quelque part dans le douzième arrondissement ou près de la Bibliothèque Nationale.
J'écris des lettres sur des papiers de couleur et j'envoie des emails sans fin.
Je suis passée la semaine dernière rue Saint-Benoît et j'ai pensé à Marguerite Duras, à mon chéri j'ai offert La Vie matérielle avant qu'il ne m'emmène goûter d'un "Elysée" dans le salon de thé vert amande de la rue Bonaparte, avant que nous ne longions les quais lorsque le froid me poignardait et que ses baisers me réchauffaient.
Il est deux heures la nuit et demain matin je me lève tôt, je n'ai pas envie de dormir, d'écrire seulement, d'inventer des pages et des mots, d'écrire n'importe quoi tout ce qui me passera par la tête, de laisser tous les souvenirs brûlants revenir, le vent chaud dans le Palais des Papes et les retours matinaux des boîtes de nuit parisiennes lorsque le soleil se lève sur la Seine et que nous enlevons nos talons pour traverser le pont jusqu'au premier métro et la baignade d'une après-midi dans la Manche en robe blanche et les bains de minuit nue le corps bronzé les seins seulement blancs sous le clair de lune dans la Méditerranée sicilienne...
Je m'endors folle des sensations retrouvées.

 

4 janvier 2006

Parfois je me lève tôt le matin, il est sept heures et le soleil n'est pas encore là, je me douche derrière les volets fermés, et la lumière soudain qui surgit, éclabousse les champs cachés sous une brume épaisse, la lumière par paillettes s'immisce à travers le brouillard, et je ne cesse pas de rouler sous le ciel gris qui s'émaille de jaune et de rose.

 

"je te méprise" - 5 janvier 2006

Lorsqu'on se retourne vers un homme, et que tout à coup il ne paraît plus à la hauteur, lorsqu'il ne répond plus à notre exigence, lorsqu'on le regarde d'un air dégoûté et indigné - comment ai-je pu accepter cela de lui ? - alors ce sentiment :
c'est le mépris
.

 

6 janvier 2005

A nouveau, le départ. Quatre mois plus tard, je recommence le long voyage de Paris à Copenhague, de Copenhague à Seattle. Je recommence aussi les adieux, les derniers déjeuners, les derniers cafés, les derniers coups de fil. Avec O nous avons découvert un restaurant bio, nems aux légumes, rillettes végétales et gelée d'algues ; avec M j'ai pris un chocolat viennois dans la rue de l'Ecole-de-médecine, où rien ne change sinon les chemisiers des serveuses, devenus bleu nuit ; avec M je me suis baladée sur les quais l'écoutant dire ses angoisses, ses inquiétudes, ses blessures. Je mesurais chaque moment de bonheur partagé. Et je n'avais plus peur, peur de me trouver loin, peur de ne pas m'en sortir sans elles. Parce que je sais que la vie est belle et douce à Seattle, parce que des gens m'y attendent et parce qu'il me reste tant de choses à en découvrir, parce qu'à mon retour tout sera intact - le temps n'altère pas les amitiés.

Mon amoureux vient me voir dans ma belle maison de campagne, son parfum m'entoure, dans ma chambre de petite fille nos deux corps nus et moites, je me sens si bien entre ses bras. Je me retiens à lui lorsque nous allons jusqu'à la boulangerie, et puis dans les rues illuminées de Meaux nous nous baladons, au moment de nous quitter à la gare je le couvre de baisers, je suis folle de joie de l'avoir revu avant mon départ, - et si, et si je me laissais véritablement envahir par un amour dont je suis la première surprise ?

Cette nuit je porte encore son odeur ambrée sur ma peau.

 

7 janvier 2005

A nouveau le départ, mais l'inquiétude n'est plus si grande, il y a même une joie, une excitation à retourner dans cette ville. Tout de même, je pleure un peu le matin en essuyant ma vaisselle parce que c'est ma famille que j'ai du mal à quitter pour si longtemps - parce que je sais qu'ils peuvent véritablement avoir besoin de moi. Mes amies, mes alliés seront là toujours à mon retour. Et puis je suis assez carapacée pour croire que je m'en sors forcément, même loin, même seule. Mais c'est moi qui disparais comme repère pour mon frère, pour ma soeur, c'est cela qui me fait plus peur. Ce sont mes attitudes de mère, envers eux, envers celles qui perdent leurs amoureux, celles qui ne savent plus où donner de la tête, celles dont les nerfs se roulent en boule ; ces attitudes dont je les prive. Mais aussi, il me faut bien vivre un peu pour moi. J'ai vingt ans et le droit d'être égoïste, et puis ce n'est pas toujours drôle non plus d'aller se confronter à une langue étrangère, à un univers inconnu où tout est à découvrir - et parfois à l'enthousiasme se substituent la déception, l'angoisse.

Je lis Les Petits chevaux de Tarquinia, c'est bon de temps en temps de lire Duras, le ton si particulier mais si percutant, je voudrais tout écrire avec cette profondeur, cette intelligence, mais - ne pas être trop gourmande, ne pas vouloir trop vite, laisser à l'écriture le temps. Le temps de mûrir, d'être nourrie.

L'avion file de Copenhague vers Seattle, la nuit nous poursuit, mon voisin suédois s'écarte en me souriant pour me laisser voir le ciel, le ciel qui se confond aux nuages dans un prisme parfait de couleurs profondes, c'est le même ciel que lorsque j'allais à Chicago, c'est le bonheur d'être au-dessus des nuages d'un pays à l'autre, c'est le voyage, c'est le départ, c'est je le sais bien la fuite d'une ville que je ne supporte plus, qui me fascine mais dont certains quartiers me dégoûtent. Moi c'est de New York dont j'ai envie, et puis de Tôkyô, et de Rome, et de Berlin, et de Petersbourg... Ecrire sur sa carte de visite, comme Holly Golightly, "voyageuse".
La grande classe.

 

9 janvier 2005

Le temps retrouvé de beaucoup lire, j'avance péniblement dans le petit roman écoeurant de romantisme de Jacques Rivière - mais enfin je lis, et puis j'écris un peu la nuit à mon petit bureau d'écolière et je mange des soupes, des pommes rouges, du saumon fumé. Hier soir dans ma chambre nous avons installé un fauteuil à bascule avec des coussins et cette petite table pour moi travailler. Il fait un peu froid dans la pièce mais je me sens rassurée, cocoonée. La salle de bains est belle, dans des couleurs de bronze et de carmin, la douche assez grande pour que j'y passe un temps irraisonnable - j'ai envie de prendre des bains chauds, très chauds, de rester des heures durant dans l'eau qui ride la peau et puis de lire même dans mon bain. Je ne sais plus si j'ai emmené Belle du Seigneur, mais je relirais bien les délires fous et passionnés d'Ariane perdue dans son bain, j'ai envie aussi subitement de voir la neige, de marcher dans cette épaisseur étrange et aveuglante, bientôt, bientôt j'irai. J'ai envie de sensations qui brûlent la peau, j'ai envie d'avoir le corps un peu souffrant parce qu'on l'étire trop, parce qu'on lui inflige le froid et l'effort, mais j'ai envie de sentir mon corps vivre, et puis s'endormir, épuisé d'avoir tant vécu, tout absorbé, mon corps machine étrange jetée dans le monde, et la douleur de tant vivre, et la douleur de ne pas tout vivre.

 

10 janvier 2006

La pluie tombe sans jamais cesser, le vent se lève et soulève des vagues d'écume sur la baie, j'ai l'humeur humide moi aussi, je ne sais plus si c'est de la fatigue ou de la solitude ou de l'ennui, je ne me sens pas bien, la sérénité n'est plus là, je doute et je trouve mon visage déformé par les traces de la fatigue, je n'aime ni mon corps ni mon visage, je voudrais juste voir un peu de soleil, plonger dans l'eau de la Méditerranée bleue comme un lapis, Grèce, Sicile ou Sardaigne, je relirai Le Lis de mer - pour ce que ça soulage de lire, mais décidemment est-ce le temps qui me rend ainsi, je ne sais pas de quoi j'ai envie, je me demande, je me demande. Peu d'entrain, je me sens faible, l'épanouissement intellectuel ne vient pas, à qui dire la poésie de la ville et du départ ? J'écris. Mais ça ne soulage rien non plus.

 

11 janvier 2006

Faire l'amour jusqu'au visage baigné par les larmes de jouissance.

 

Juillet Avignon - 12 janvier 2006

Avant d'entrer dans la Cour d'Honneur - nous allions voir Peer Gynt - un vent chaud soufflait mais je frissonnais - alors que nous attendions de pouvoir nous asseoir sur les gradins, son bras qui a effleuré le mien - je le sentais partout autour de moi, près de moi, son regard posé sans arrêt sur moi, je portais un jean clair emprunté à M et un petit haut noir à bretelles de satin qui appartenait à ma grand-mère, le vent qui continuait de s'agiter ne rendait ma folie amoureuse que plus violente, le comédien fantastique sous mes yeux et je ne pensais qu'à ce contact, son bras touché, je voulais ses lèvres parce que dans les miennes coulait un sang chaud.

Le vent toujours plus fort soufflait dans le Palais des Papes et les voiles se levaient, le public couvert de ces tissus mauves les rendait à la scène, le vent emportait les voix vers les anges, et j'attendais la fin de quatre heures de théâtre.

Dans la nuit chaude encore, l'alcool qui me rendait encore plus furieuse, ensemble nous marchions dans les rues d'Avignon, sans nous tenir trop près l'un de l'autre, d'autres nous accompagnaient, et puis j'ai retrouvé mes amis, qui l'ont peut-être effrayé, et j'aurais voulu courir derrière lui, dans les rues pieds nus me lancer à sa poursuite tourner son visage vers le mien et enfin écraser mes lèvres contre les siennes - je suis restée figée.

Il partait le lendemain et je gardai son amour le temps que durât l'été.

 

Démissionnaire - 13 janvier 2006

Le soleil qui fait cruellement défaut et qui me rend triste, qui me fait glisser sur la pente détestée de l'ennui déprimé. C'est peut-être un peu trop facile de dire que tout est la faute de la pluie, de cette pluie qui ne s'arrête jamais de tomber, mais je ne vois plus le ciel, je n'ai plus envie de marcher le long des quais, la ville est lugubre - parce que la pluie gifle, et le vent par rafales fouette le visage. Je ne sais pas où chercher l'enthousiasme, l'envie de me jeter à nouveau dans ce qui résiste et se dérobe - je suis en état de démission.

 

14 janvier 2006

Et toute la journée je porte avec moi ma mélancolie, ma douleur de ne pas trouver ce qui me ferait un peu plus battre le sang, mon ennui et ma langueur. Je ressemble à une âme en peine, mes cheveux tombent raides autour de mon visage fatigué aux traits tirés et à la peau très sèche. Je me dégoûte. Je ne suis pas belle.

 

15 janvier 2006

Définition de la douceur : [nom féminin]
un vieux film russe (Quand passent les cigognes), un thé à quatre heures chez "Queen Mary tea house", et la recette de la compote aux pommes.

 

Marche des femmes - 16 janvier 2006

Une femme, mère divorcée de trois enfants, de centre gauche, vient d'être élue présidente du Chili. Elle annonce un gouvernement qui comptera autant de femmes que d'hommes.

Une femme, socialiste, que l'on appelle "la mère de la Nation", s'est placée largement en tête du premier tour des présidentielles en Finlande.

Une femme est choisie comme présidente du Libéria, avec la tâche ardue de redonner vie à un pays ravagé par quatorze ans de guerre civile. Elle prône l'accès des femmes à toutes les fonctions du service public.

Aux urnes, citoyennes !

 

17 janvier 2006

Et le chagrin, la tristesse, l'ennui qui continuent de m'attaquer.

 

L'éveil - 18 janvier 2006

“ A certain light was beginning to dawn dimly within her,— the light which, showing the way, forbids it.
At that early period it served but to bewilder her. It moved her to dreams, to thoughtfulness, to the shadowy anguish which had overcome her the midnight when she had abandoned herself to tears.
In short, Mrs. Pontellier was beginning to realize her position in the universe as a human being, and to recognize her relations as an individual to the world within and about her. This may seem like a ponderous weight of wisdom to descend upon the soul of a young woman of twenty-eight — perhaps more wisdom than the Holy Ghost is usually pleased to vouchsafe to any woman.
But the beginning of things, of a world especially, is necessarily vague, tangled, chaotic, and exceedingly disturbing. How few of us ever emerge from such beginning! How many souls perish in its tumult!
The voice of sea is seductive; never ceasing, whispering, clamoring, murmuring, inviting the soul to wander for a spell in abysses of solitude; to lose itself in mazes of inward contemplation.
The voice of sea speaks to the soul. The touch of the sea is sensuous, enfolding the body in its soft, close embrace. ”

The Awakening, Kate Chopin

 

19 janvier 2006

Soupe à la tomate et au basilic, saumon fumé et citronné, et bientôt mes cours de japonais qui commencent.

 

20 janvier 2006

Sushis qui parfois me dégoûtent - cette grosse langue rouge sur la boule de riz compacté - et tempura rolls, hot sake, l'ambiance douce du vendredi soir et du restaurant japonais, et puis c'est de ce à quoi je n'ai jamais pensé dont il me parle - et si tout ne s'arrêtait pas parce que je repars, mais pouvait reprendre vie plus tard, dans quelques années, est-ce que c'est de lui dont toute ma vie je pourrais avoir envie ? Je n'ai pas la vertu des femmes de marins. Comment pouvoir alors penser à quelque chose après cela ? Comment, sans même faire de promesse, penser qu'un jour peut-être nous serons à nouveau ensemble ? C'est assez loin pour que je ne veuille pas y réfléchir. Pour que cela n'ait aucun sens. Pour que cela m'effraie. J'ai vingt ans, et n'ai aucune envie de penser que ce pourrait être lui. Il y a encore trop d'histoires à vivre et d'hommes à découvrir, comme de rivages à aborder.

 

Salsa - 21 janvier 2006

Les dernières nuits passées à danser, remontent aux nuits siciliennes du mois d'août. Sans trop savoir pourquoi, ce soir on me laisse m'aventurer sur la piste de danse d'un restaurant mexicain, et ce sont des musiques latinos, des paroles en espagnol seulement, et mon corps au milieu de ceux des Hispaniques ondule, reprend vie, retrouve la sensation de danser, emplit l'espace et entre dans l'extraordinaire excitation du corps frémissant, qui jamais ne se relâche, au contraire le mouvement est toujours là, les muscles sont tendus et dans l'attente du rythme qui fait rouler les hanches, qui appelle les pas de salsa - ce sont les seuls qui me viennent - et je crois bien que j'ai la tête qui tourne un peu.

Dehors la nuit est rafraîchissante comme chaque marche nocturne peut en donner la sensation, jusqu'à tomber rompue de fatigue, la fraîcheur dans l'obscurité est un vent doux qui brûle les poumons et me fait sentir la vie bouillante dans mon corps rallumé.

 

Mount Rainier - 22 janvier 2006

Le silence assourdissant de l'écho des montagnes blanches, et tout au fond de la vallée, derrière les vagues de brume, la rivière qui serpente entre les pins.

 

Nihongo - 23 janvier 2006

Première leçon de japonais et je sais tout de suite que cela va m'aider, qu'en apprenant une nouvelle langue, je m'occupe l'esprit, je crée de nouveaux liens, je deviens attentive à d'autres signes et maintenant que je me sens à l'aise en anglais, j'essaie de trouver certains mots en japonais, j'essaie de penser la structure nippone, c'est fantastique cette rencontre des langues et des systèmes de pensée, cet apprentissage du japonais dans une langue qui n'est pas maternelle, c'est une découverte qui n'a pas fini de me nourrir.

 

24 janvier 2006

En toute désinvolture, laisser l'amour flamber.

 

Jeff's birthday - 25 janvier 2006

 

Match point - 26 janvier 2006

Il y a quelques films qui bousculent ma féminité, qui me font après les avoir vus, revus, marcher bien droite et la poitrine offerte au monde, les épaules dégagées et le ventre serré, les hanches qui se balancent lorsque je marche très fière, le menton redressé, les cheveux détachés. Ce sont ces femmes qui s'assument pleinement, qui avancent un peu crânement dans une vie qui ne leur fait pas de cadeaux, elles ont des amants et elles se brûlent le coeur mais ne transigent pas sur leur liberté. Françoise Dorléac avec son corps très fin, ses cheveux clairs, sa nuque gracieuse, ses mains de peau douce, est l'une d'entre elles. Elle prend des avions petit soldat vaillant et retrouve son amant marié dans la campagne de Reims, oh il n'est pas à elle mais elle tente de faire avec cet amour-là, je crois qu'elle se protège quand même et fait attention, et alors elle marche très fière, très libre - sortie du cinéma je rentrais seule du Mk2 quelque part dans le quinzième, il faisait nuit mais pas très froid encore et je ne regardais nulle part ailleurs que devant moi, et les voitures aux phares éblouissants pouvaient s'arrêter à quelques centimètres lorsque je traversais sans même tourner la tête, ça m'était bien égal, il falait que j'avance, que je ne m'arrête surtout pas, et que le chemin s'ouvre devant moi.

Match Point, le personnage de Nola, que j'aime Scarlett Johansson et je m'en fous qu'elle soit la nouvelle égérie de l'Oréal, j'aime son corp de femme généreuse, ses formes qui s'échappent un peu quand son amant la déshabille dans les herbes folles et trempées, j'aime ses lèvres qui grignotent son visage et qui à toute moue enfantine donnent une allure de femme fatale, ça crève de sensualité, le petit chemisier bleu j'ai peur que les boutons se détachent, les seins dressés entre elle et son amant, quelqu'un remarque finement qu'elle "a l'air d'aimer ça", je rétorque que c'est son droit et qu'elle a sans doute bien raison d'aimer faire l'amour avec un type aussi sensuel que Chris, moi je ne me gênerais pas. Sortie de la salle de projection, un peu troublée et seule il faut croire à ressentir toute cette sensualité, je pars fière et décidée à n'en faire qu'à ma tête, mais avec mon corps-sablier, bâton de sourcier.

 

Mon prince Mychkine - 27 janvier 2006

La nuit, fiévreuse et malade, j'écris l'histoire du prince Mychkine qui est venu me visiter la nuit, et qui m'obsède depuis, et sur lequel se cristallisent tous mes désirs et ma passion irraisonnée.

 

29 janvier 2006

La chaleur suffocante du sauna qui peut-être fera tomber ma fièvre, mais cela m'achève, me vide toutes mes forces, me retourne la tête et le coeur, je marche en m'appuyant contre les murs brûlants et j'ai le vertige. Dans la chambre alors que je me change, retire mon maillot de bain et démêle mes cheveux, je sens que mes jambres se retirent, les étoiles fugitives passent devant mes yeux, et personne n'est là, les gens parlent dans la pièce d'à côté mais personne ne se rend compte que je pars, je m'assois près du grand lit blanc et jaune pâle, ma tête se renverse, je ne suis plus là, je suis évanouie.

 

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