Juillet et août 2006, Seattle-Portland-Paris-Nice-Trouville !
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24 juillet 2006 - Oceanside Réveil improbable sur la côte Pacifique, au milieu d'une brume qui ne laisse discerner ni le ciel, ni l'océan, ni les trois rochers d'Oceanside. On achète de quoi petit-déjeuner sur la plage, un croissant avec une omelette au fromage et au bacon, et puis on part avec un chandail dans la brume matinale, mains liées, corps attachés. Le vent retourne mes cheveux et mon visage se réfugie au creux de ton pull marin.
27 juillet 2006 Il paraît, aux dires
d'une vieille femme capable de lire dans les lignes de la main, qu'aujourd'hui
est un jour spécial
pour moi. Je me sens légère,
heureuse, entre départ et retour, entre tristesse et joie, je dis
au revoir
à quelques personnes et l'on m'offre une coupe de champagne, du
foie gras poêlé, une part de gâteau au chocolat. Le
soir je m'endors au creux des bras de mon amour.
29 juillet 2006 Dans une maison mystérieuse des hauteurs de Capitol Hill, ce sont des anniversaires que l'on fête et la soirée transformée par l'effervescence et quelques verres de vin devient irréelle —j'emmène deux garçons à ma suite pour dévoiler une vue extraordinaire au milieu d'une lumière orange, celle de l'heure du coucher de soleil dans un ciel gris et lourd. Je redescends pieds nus l'échelle qui mène au toit, mes chaussures à talon sont restées cachées sous une petite table du salon et quelques plantes tombantes, et je danse très folle, emportée par des bras qui me retiennent près de poitrines puissantes. Avec certains d'entre eux des sentiments d'amitié forts ont éclaté et leurs gestes d'attention, leurs mots de tendresse me font tomber dans une émotion que je cache, parce que la fête doit continuer, parce que je veux rire jusqu'au bout et être folle dans ce rire, et cesser de pleurer à chaque départ, à chaque fois que les alliés rencontrés viendront à me manquer —je continue à avancer avec eux, avec leur présence sensible et rassurante, sans faille.
30 juillet 2006 - mon pays c'est toi La douceur des derniers moments que l'on passe ensemble. Marcher main dans la main au milieu d'une foule qui me laisse indifférente parce qu'elle ne fait que s'opposer à mon amour, parce qu'elle le fait ressortir par contraste - et au milieu de la cohue je ne vois que lui, je me retiens et il m'entraîne dans le labyrinthe d'un centre commercial - acheter quelques cadeaux pour mon retour en France - et nos corps se serrent. Dans la chambre de l'amour nous dormons l'un contre l'autre, dans les dernières minutes de la chaleur partagée, mais finalement je ne dors pas, je le regarde, je le respire, je l'emporte dans mes rêves et mes souvenirs. Aéroports, toujours la même excitation des vols, des voyages, des fuites, départ de larmes parce qu'un morceau de moi et qu'un an de ma vie restent ici - et je repars vers un endroit qui me semblera étranger, changé en mon absence, inconnu. Je me sens étrangère, mon seul pays c'est la vie que je construis avec l'homme que j'aime.
2 août 2006 - les cordes déliées Je reviens aujourd'hui à Paris et les rues de la ville aimée/détestée me saisissent à la gorge, les talons retrouvent leur claquement sec sur les trottoirs et les pavés—les passants me regardent dévisageants et inquisiteurs, leurs yeux coutelés me pénètrent et oublient de sourire —je me balade comme une reine revenue dans son empire, je retrouve mes attitudes de princesse, les types posent un regard dégoûtant sur moi et je ne peux rien empêcher de cela, ni mon allure ni leur désir malsain — là bas on ne remarquait pas mon maquillage, mes seins, mon visage fier. Ici on me fait instantanément croire que tout est désir, répulsion, érotisme. Et sous ma peau ça palpite, ce sont mille sensations comme de petites aiguilles qui me percent l'épiderme et me font vivre dans un ressenti extrême, quand bien même je sais que cela me détruit. Paris, tu me reprends à tes cordes mais je suis plus forte aujourd'hui pour que les noeuds se délient.
3 août 2006 Ma grande maison calme retrouvée, peuplée des histoires délirantes de G et des bijoux fantaisie de J, et déjà il faut chercher un nouvel endroit où habiter dans quelques mois —je ne comprends plus ce que signifie "chez moi". Dans cette maison où j'ai grandi il y a ma chambre, des affiches au mur qui ne représentent plus grand chose et que je ne prends pas la peine de décrocher, une armoire pleine de vêtements que je ne porte jamais, une bibliothèque avec des montagnes de livres pas encore lus, et surtout mes parents, mon frère, ma soeur. Je me sens "chez moi" mais quelque chose est bancal, parce qu'il y a deux mois je vivais dans un petit appartement près de Seattle avec mon chéri et que là-bas aussi c'était "chez moi". Un petit bout de moi qui s'accroche à chaque endroit où je me sens bien, quelques livres qui s'empilent au pied du lit, mes colliers qui traînent dans la salle de bains. Dans quelques temps il faudra refaire des valises, transporter des vêtements, des cahiers, des dvds et des fioles de parfum, pour construire à nouveau, installer encore quelque chose d'autre quelque part ailleurs, et enfin me sentir à nouveau chez moi. Je flotte entre des lieux, des personnes, et je me perds un peu dans ces voyages, je ne sais plus où me sentir complètement bien. Ou bien mon identité se disperse et se répand luxuriante dans tous ces endroits différents, se propage comme les grains de pollen d'une fleur épanouie emportés aux quatre vents.
5 août 2006 - love beating in my blood J'appelle mon amant un peu fébrile, impatiente d'entendre sa voix, de le sentir plus proche de moi malgré quelques milliers de kilomètres. Sa voix est déformée par des cables téléphoniques à la longueur vertigineuse, je ne reconnais pas sa voix, je voudrais en pleurer, sa voix n'est pas celle qui me rassure, me tient contre elle. Je fais un effort, je parle beaucoup, comme d'habitude, et parfois j'attends que ses mots viennent, mais je ne ressens que la douleur et la frustration de cet appel qui nous tient à distance - je voudrais ses mains, ses bras, pour dire exactement les mêmes choses mais sentir son amour s'enrouler autour de moi. Nos nuits me manquent, lorsque tes bras m'entourent et que tes mains tiennent mes seins fragiles sous le drap d'été, lorsqu'au matin je me réveille et me retourne vers toi, blottie contre ton épaule, et les yeux clos mes lèvres te cherchent, mes cheveux te recouvrent, et cette chaleur, cette douceur que j'ai trouvées avec toi ne sont plus là que dans mes rêves, j'attends entre folie et bonheur fou le moment de te revoir. Je suis en amour avec toi, j'ai besoin de ta présence physique, de te savoir près de moi, d'avancer avec toi. Parce que j'en ai envie, parce que je veux partager tant de choses avec toi et avec personne d'autre, parce que cet amour pour la première fois est mature et me laisse libre.
7 août 2006 - feeling lost Sentiment étrange, porté par
la bande originale de Lost in translation, d'être perdue entre
ma famille, des amis que je n'ai pas encore retrouvés, un amour qui
se tient à distance. Je me laisse flotter. La seule chose un peu sérieuse
et réelle en ce moment, ce sont les heures que je passe avec ma jument,
à la brosser, la balader, la monter. Je me donne entière et chaque
jour à cette jument qui m'a manqué pendant un an. Je suis présente
sans relâche pour la soigner et la faire correctement travailler. Je
pars chaque après-midi dans la campagne couverte d'un ciel lourd pour
que les heures s'écoulent au rythme des chevaux —tout
ce temps je ne pense pas à la rentrée parisienne,
aux étranges retrouvailles, à la difficulté de reprendre une apparence
qui n'est jamais la même partout, à la distance qui me tiendra éloignée
de celui qui me rassure. J'ai en tête mes projets du lendemain, mais
les jours suivants m'échappent. Je ne me décide pas, je reste silencieuse,
je n'ai pas encore trouvé la façon de revenir à la vie quittée il y
a un an. Il suffirait pourtant d'appeler M et de se parler, s'écouter,
se raconter des secrets de filles !
10 août 2006 Scène extraordinaire alors que mon frère, ma soeur et moi venons de regarder Podium, le film où Benoît Poolvoerde interprète le sosie de Claude François ; nous entamons une chorégraphie revue et corrigée de celle que dansaient à l'origine les Claudettes en accompagnant la chanson "Alexandrie Alexandra". Nous connaissons les paroles par coeur et réinventons les gestes, les mouvements. Mes parents sont les spectateurs, le public. C'est hilarant. Ce sont des moments précieux, d'entente parfaite, de complicité fraternelle, que j'essaie de préserver en ce moment.
11 août 2006 (peut-être déjà le 12 août) - le manque Comment faire entrevoir à mon amour la douleur de ne pas le voir ? D'être séparée de lui à chaque instant ? Je voudrais lui parler, sentir son corps contre le mien, je ne supporte plus d'attendre un avion dont la date d'arrivée n'est pas certaine, je deviens folle la nuit et dès que mes mains ne sont plus occupées, je pense à mon amour pour lui, à mon désir de lui, et je souffre de son absence. Rien ne me manque pourtant, tout semble aller très bien. Je n'ai pas particulièrement besoin de parler comme je pourrais le faire avec une amie. Pas de confidences nécessaires à la clef. Je veux simplement sentir son amour battre, je veux retrouver intacte notre complicité et notre désir réciproque, je veux faire l'amour aussi. Dormir seule, en ayant un peu froid, dans un lit un peu trop large pour moi, c'est tellement étrange après avoir dormi si souvent enroulée dans les bras de mon amant. Comment trouver une solution acceptable à cet éloignement ? Quel ton peut-il être juste lors d'un coup de fil, d'une discussion par emails, lorsque l'entendre ou le deviner à travers ses mots me rend terriblement triste, reflètant la simple impossibilité de se trouver ensemble au même instant. Il n'y a pas à expliquer pourquoi je ressens ce manque, pourquoi je réagis dans l'angoisse et la panique quand nous avons toujours été très sereins l'un envers l'autre. Son amour me manque, nos projets me manquent, nos moments partagés de vie quotidienne me manquent. Je continue d'être amoureuse tout simplement, non ?
12 août 2006 - garder la violence de mes sentiments, toujours Cette nuit je suis triste, et peut-être un peu folle aussi. Fatiguée par de longues journées d'équitation, épuisée par l'attente à chaque instant de le retrouver, portée par la mélancolie d'une soirée grise, au ciel très foncé, finalement crevé et déversant des hallebardes de pluie, des trombes d'eau froide. Je suis tout à la fois vidée, mélancolique, glacée. Je descends dîner, de la soupe aux vermicelles, du raisin blanc, du thé brûlant. Mon corps entier a froid, serré dans des épaisseurs douces, et autour de mon coeur c'est encore pire je crois, c'est le pôle sud autour de mon coeur qui résiste de toute ses forces, tente de garder la chaleur de mon amour intacte, préservée. Dans la cuisine on écoute "Ultra moderne solitude", à croire que c'est fait exprès, exprès pour que je me sente encore plus seule. Je lis certains extraits du journal d'O, écrits il y a cinq ans, des choses que je n'avais jamais lues auparavant, et je suis touchée au plus profond, émue jusqu'au fond de mon corps par les mots jetés — amour, mer, rouge absolu, orgueil, rêve et réalité. Je crois comprendre chaque mot, chaque ressenti — l'amour fou, l'histoire tragique et merveilleuse, les produits corrosifs ou les médicaments dont on lit la notice en se demandant si ça ne pourrait pas être la solution, la jouissance du langage, de la chose écrire, de la liberté. Je ne peux pas cacher que ce journal en ligne s'est construit par rapport à celui d'O, que j'ai été nourrie depuis trois ans par la lecture du journal de JA et plus récemment par celui d'O, par des lectures un peu identiques — Duras, Dosto, Fitzgerald, Plath. Et c'est terrible d'avancer dans mon écriture avec ce background, avec ces références qui transparaissent, avec en tête l'écriture d'une autre, mais une écriture qui me ressemble tant, qui me dit tant, ces thèmes qui sont les mêmes — seulement des vies, des événements, des expériences qui sont différents. Et puis, je crois — mais je doute aussi parfois, je doute ce soir — que je peux quand même trouver mon écriture, continuer à écrire très souvent, quotidiennement, pour que mes mots se dessinent, pour que mon souffle d'écriture devienne obstiné et que malgré tout, malgré les influences, mon écriture s'affirme et soit — unique. Cette nuit je lis et j'écris sans fin ; je crois qu'on ne devrait jamais parler de son journal à ses amoureux, que ça ne les regarde pas, que c'est notre seul espace gardé de liberté, notre seul endroit du secret, mais en réalité on finit toujours par leur en dire quelques mots, laisser des indices, parce que ce journal c'est moi tout autant que mes jeans, mes talons, mon rouge à lèvres, mes yeux noircis au khôl. Je m'habille ainsi, je me maquille chaque jour, j'aime le chocolat et cuisiner pour mes amis, je lis Plath et Duras et Cohen et Aragon, j'écris un journal en ligne. On se dévoile, on se livre, petit à petit, mais vient un moment où de son journal aussi on veut révéler l'existence, une façon de dire : regarde, regarde, ces mots, ce flot, c'est aussi moi. Je me souviens avoir parlé de mon journal pour faire comprendre, pour donner à voir ma folie douce, ma passion des mots. Et puis j'ai compris : ou bien les garçons savent déjà cela de moi, mon écriture ils la devinent, ma folie de femme ils l'entrevoient, ou bien ils ne comprennent pas cela, lisant le journal ou non, ils ne rentrent pas dans cette sensibilité mais me la laissent, intacte, mienne. Reste que je suis prisonnière de ces garçons qui lisent. Erreur terrible, fatale. Parce que même si je raconte n'importe quoi dans le journal, sens dessus dessous, à des dates inventées, eh bien je ne mens jamais pourtant. Je ne dissimule rien lorsque je crois que cela a sa place ici, dans ce journal. Je veux garder mes sentiments tels qu'ils apparaissent, je veux les écrire avec les mots qui m'envahissent, avec le même flot que celui qui court dans mes veines. Je ne veux rien cacher ni transformer sous prétexte qu'un tel ou que tel autre me lit. Je veux la liberté entière et totale dans ce journal. Je veux écrire ce que j'ai envie d'écrire, ce qui me déforme le coeur, ce qui me traverse le corps. Quitte à blesser l'autre, le lecteur à qui j'avais donné les clés d'accès ? Je ne sais pas. Je voudrais un jour écrire l'histoire douloureuse de l'année 2005, l'amour et l'amitié emmêlées en un écheveau indénouable. Je voudrais mettre des mots sur l'aventure terrible et tragique qui a blessé une amitié, rendu deux jeunes femmes folles et hystériques, repoussé tant de limites. Je voudrais dire l'expérience érotique, l'amitié étendue comme un fil élastique que l'on aurait rendu très fin, l'amour-passion, la trahison, la rencontre de l'autre — celui qu'on croit jumeau. Je voudrais tant m'extirper de cette histoire en lui redonnant vie, en lui faisant face à nouveau, en l'écrivant et la réécrivant jusqu'à la mettre en pièces. Il faut que je dorme. Que je prépare quelques affaires, avant de retrouver mon amour demain puis partir loin, près de la Méditerranée, enfin retrouver les bains de minuit, bains de jouissance, clairs de lune. Je m'abandonne au rêve de l'eau, du liquide qui se glisse partout... Je me donne à ça, pour échapper à la tristesse.
Dans la nuit de pluie
j'écoute des milliers de choses :
29 août 2006 - de Nice à Trouville Les nuits d'écriture reprennent, sous l'orage et dans le froid de la maison où le soleil ne pénètre pas. Je me sens bien, heureuse, reposée. Mes vacances s'étirent, les cours sont encore loin, j'aime ce rythme lent où se mêlent lecture (L'Amant, Givrée d'Alain Monnier), écriture, chansons douces, un peu de chocolat, et puis des souvenirs, des images. Je reviens de Normandie, et puis de la Côte d'Azur. Devant mes yeux les longues plages de l'Atlantique et les ciels gris du Cotentin rejoignent l'eau claire et transparente de la Méditerranée, les ciels bleus imperturbables qui flottaient au-dessus de Nice et de Cannes. Des églises de pierre rose, ou jaune, ou blanche, Vence, Saint Paul, Eze, et puis des églises en bois, en pierre grise, Honfleur, Granville. Les ports et les bâteaux de plaisance, énormes, citadelles mystérieuses et imprenables, les petits ports de pêche où rentrent les bâteaux le midi avant que la marée ne soit trop basse. Les casinos, les hôtels illuminés, les champs de courses. Le musée Matisse dans une bâtisse rouge sur les hauteurs de Cimiez, la résidence des Roches noires debout face au vent qui s'acharne contre Trouville. De la daurade, de la tapenade, des aubergines, des abricots. Des moules marinières, de la lotte, du saumon, des légumes à la vapeur. Anne Parillaud, Jean Hughes Anglade, Benoît Magimel. Des maillots de bain, un bronzage pain d'épice, des pulls marins. Des amies de toujours, des rencontres douces, une jolie mariée et des Hollandais, des Américains, des Anglais. La mer me prend toute entière, et je la garde en moi, je garde son mouvement éternel d'avancée et de repli, sa force surnaturelle qui bat les plages de sable et de galets. La Méditerranée est chaude, claire, transparente, de petites méduses violettes s'y laissent porter (violettes mais dangereuses). Son mouvement est léger, invisible, c'est un courant de chaleur ondulant autour du corps des nageurs téméraires. Les bâteaux s'y reposent et le soleil s'y reflète pour brûler les peaux trop blanches. L'Atlantique est puissant, majestueux, sans repos. Les vagues montent, puis décroissent, l'océan se retire quelques heures avant de remonter jusqu'aux tentes du Secours populaire montées devant les Roches noires, là où Marguerite aurait pu les voir. Derrière la résidence, une plaque rend hommage à Proust, tandis qu'une autre évoque les longs séjours de Marguerite à Trouville, jusqu'à sa mort. J'avance sans fin, sereine, détachée de tout, de tous, j'avance la main dans la sienne, sous les rafales de vent, habillée d'un pull trop grand pour moi et d'un petit short blanc. Je me noie dans ses yeux, je m'endors dans la mer et contre lui, je lis des magazines féminins toute nue sous la couette, je mange des croissants à belles dents, je pleure comme une enfant lorsque ma jupe ne me va pas et que je me sens affreuse. Je vis à l'écart du monde, seule, insouciante, légère.
30 août 2006 Le manque absolu. Le manque de ton corps, de ta peau, de tes lèvres. Le manque d'être avec toi, de te regarder, de te sourire. Le manque de te faire l'amour. Je veux t'aimer encore, te savoir près de moi toujours. De longs mois d'automne et d'hiver à t'attendre, je vais devenir folle. Je suis faite d'un amour fou.
31 août 2006 J'écoute l'entretien de Bernard
Pivot avec Marguerite Duras, le 28 septembre 1984, dans le studio d'Apostrophes.
Marguerite dit des choses de façon définitive, brutale, violente, parfois
même lapidaire. Un petit goût de la provocation qui la poursuit avec
des formules volontairement choquantes, des sentences qui peuvent sembler
incompréhensibles : les collaborateurs, les communistes, même abjection
; Sartre, ce n'est pas un écrivain, peut-être un moraliste ; les écrivains
alcooliques on ne les fait pas entrer à l'Académie. "Je
dis les choses comme elles arrivent sur moi, comme elles m'attaquent
si vous voulez, comme elles m'aveuglent". Les plus beaux moments sont
ceux où elle parle de l'écriture, cette chose qu'elle ne sait toujours
pas expliquer. Pourquoi choisir de doubler sa vie,
d'écrire en permanence, d'être lié à ça ? En fait on ne choisit rien.
On écrit, emporté par des mots, par un flot de mots. L'idée sans doute
que l'on revit à travers les mots, que l'enfance ressurgit, que les
amants réapparaissent, grâce aux mots. Et puis avec des mots on est
prince, on arrange nos petites histoires, on invente des personnages
et on les mêle à notre vie, à nos rêves, ils peuplent notre univers
aux côtés de gens bien réels. On veut ressentir davantage, aller
à l'extrémité d'une sensation, d'une pensée, on met des mots pour tenir
la chose, l'attraper, mais enfin ça n'est jamais définitivement saisi,
alors on continue à écrire, on écrit sans fin et éternellement la même
histoire, la même chose. C'est banal. La vie est banale mais en écrivant
on la sort de ça, on l'extirpe vers quelque chose de plus beau, de
rêvé et de romancé. On revit l'immédiateté à travers l'écriture.
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