Mars 2006, Seattle |
02/03/2006 - - Des arbres aux fleurs roses très pâles L'odeur des arbres roses, est-ce que tu la sens, est-ce qu'elle tombe des branches et t'entoure tout le temps que tu marches sur les trottoirs humides ? Les arbres bourgeonnants sont habités par des bouquets serrés de minuscules fleurs d'un rose pâle, et ces arbres sont les mêmes que ceux de la rue que j'empruntais, jusqu'à sept ans, pour aller à l'école primaire au bout de la rue. Plus petite, j'oubliais de regarder devant moi en marchant et me cognais contre le tronc fin et très dur de chacun de ces arbres. Je les aime toujours aujourd'hui, ces arbres roses, des merisiers je crois, dans les rues vides de Windermere autant que dans la rue Louis Braille de ma petite enfance. Ma grand-mère habitait là, habite encore là. Bientôt lorsque le froid s'éloignera, au bas de son immeuble les arbres prendront cette teinte rose pâle et délicate. L'odeur des fleurs se dégage lorsqu'il a plu et que les gouttes tombent encore du toit des maisons. L'émotion nostalgique qui me prend aux lèvres et esquisse un sourire intime, secret.
05/03/2006 - - Oeufs à la coque Deux petits oeufs que je fais tenir dans un coquetier fabriqué avec des feuilles de papier aluminium. Le couteau qui frappe les bords pour découper le sommet de l'oeuf. Un peu de sel sur le blanc que je mange à la petite cuiller. Je prépare des "mouillettes" de pain avec du beurre salé. Je trempe les morceaux de pain dans le jaune qui déborde un peu sur les côtés. C'est délicieux et je l'avais oublié. J'avais oublié les oeufs à la coque que Maman préparait à déjeuner pendant les vacances scolaires et que mon frère, ma soeur et moi mangions religieusement.
06/03/2006 - - Rêve durassien Le rêve est encore très présent, palpable lorsque la lumière blanche des réveils matinaux me prend à la gorge et agresse l'iris — longue iris dont les racines se prennent encore aux écheveaux de la nuit, c'est une plante blanche luisante comme les filaments d'une méduse qui lance ses ramifications à l'assaut de tout ce qui flotte dans mon cerveau, souvenirs synapses impressions neurones sensations frustrations désirs. Ce sont deux couples, des couples amis qui s'assoient aux tables d'un café ombragé, il fait chaud, la chaleur est lourde, pesante, agaçante. Les deux couples parlent peu. Ils se connaissent bien. Ils sirotent des Campari. Les toiles et les tissus des vêtements pèsent lourd sur les corps moites et ennuyés. Cette scène c'est exactement celle des Petits chevaux de Tarquinia. L'un des hommes meurt alors et plus tard, les champs sont très verts, entrecoupés par des raies d'eau filante et de petits grains blancs qui brillent aussi fort que des diamants. Ce sont des rizières. C'est l'Indochine. C'est le Barrage contre le Pacifique. Un des couples a eu deux petits enfants blonds et blancs, la jeune femme dont l'amant est mort a adopté une petite fille d'Indochine. Les enfants jouent ensemble, leurs pieds nus pataugent dans les courants d'eau qui chatouillent leur peau douce. Il n'y rien d'autre dans mon rêve. Rien d'autre que ces deux scènes qui ressemblent, j'en mets ma main au feu, à toutes les images qui me sont venues lorsque je lisais Duras. Je me réveille avec le désir qui n'attendra pas de lire Duras, tout, tout ce qui me tombera sous la main, tout savoir, tout reprendre de l'oeuvre de Duras, j'envoie des emails en France, je confie des missions : "Peux-tu me dire ce que tu penses de L'Amant en allant le feuilleter dans une librairie ? Merci". Duras a ressurgi seule, en moi, elle s'est imposée, elle a décidé elle-même qu'il est temps de lire certaines choses — et peut-être qu'après ça je comprendrai mieux.
08/03/2006 - - Trouville Le mois d'août derrière les murs frais d'une petite maison de la côte normande, à Trouville exactement. Les Roches noires ne seront pas loin. Je veux marcher sur la plage de sable et rouler en voiture jusqu'aux falaises d'Etretat. Je veux prendre mes petits déjeuners dehors le matin au soleil, assise le dos contre le mur et les pieds dans l'herbe, des tartines de baguette avec du beurre et de la confiture de fraises, des oranges pressées par mes petites mains. Et puis lire pendant que le soleil caresse la peau, m'allonger sous le ciel bleu et lorsque la chaleur devient trop violente, me jeter à l'eau pour nager une heure, deux heures, jusqu'à ne plus sentir mon corps, jusqu'à ce que le mouvement de la mer se fonde en moi. Faire les courses en fin de matinée au marché et préparer des crêpes pour le dîner. J'aurai droit à des goûters comme ma grand-mère me les préparait sur la plage en Vendée, du pain frais avec une barre de chocolat au milieu, ou bien des Prince que l'on peut manger très lentement, d'abord le biscuit du dessus, puis les bords du second, et finalement le chocolat en train de fondre. Enfin la nuit, errer dans les couloirs du casino, m'échapper vers la plage et regarder scintiller les lumières des bâteaux ou des appartements qui tombent dans l'eau noire et envoûtante des bords de minuit, enlever mes robes, mes sandales, glisser à l'eau, nager comme une anguille aux éclats d'argent sous la clarté de la lune.
09/03/2006 Je parle avec une jeune femme Française, née à Paris, qui vit maintenant à Seattle avec son mari britannique. Elle me demande de quelle région je suis originaire, je réponds la Seine-et-Marne, et j'ajoute que les deux dernières années je les ai passées à Paris. Et aussi que ça me fait du bien de ne plus y être, que cette ville me rend folle, m'est insupportable. Elle dit : "à Paris le problème c'est qu'on ne respire pas. Ici au moins...". Hum. Ce n'est pas exactement ce que je cherchais à dire. Je ne me suis jamais sentie agressée par les pots d'échappement parisiens, il y en a aussi dans la campagne seine-et-marnaise (de gros tracteurs qui traînent derrière eux une fumée noire inquiétante) et je prends toujours le métro ou le bus, donc pour moi tout va très bien de ce côté-là. Mais peut-être que l'expression est à retenir, peut-être qu'à Paris, on ne "respire" pas... Peut-être qu'à chaque retour, à chaque nouvelle tentative de rester quelques temps à Paris, on prend une énorme bouffée d'oxygène dans les poumons et on retient l'air enfermé, on vit en apnée pendant deux mois, dans un underground de faux-semblants, de soirées étranges et de jeux d'apparence, pendant deux mois et puis il faut ressortir, passer la tête hors-de-l'eau, reprendre sa respiration. Le coeur bat très vite, le sang ne circule plus, on est en train de mourir à Paris avec les bruits de la sensibilité exacerbée qui battent aux tempes, ça devient un gigantesque fracas qui assomme, qui abat, qui réduit en miettes, qui met à plat.
10/03/2006 - "Ma liberté, c'est toi qui m'as aidée à larguer les amarres" (Serge Reggiani) Joie de voir le nom de mes amis dans la liste, parce que j'en retrouverai certains l'an prochain avec moi dans les amphithéâtres, parce que pour M en particulier cela signifie tant : je ne dirai pas que je suis fière d'elle, ça m'est franchement égal de savoir qu'un certain devoir a pu plaire à un certain professeur - tout ce que je vois, ce sont les promesses de liberté qui accompagnent cette sentence, c'est l'indépendance et la solitude nécessaires pour devenir autonome, pour avancer seule et créer ses lois, sa discipline propres, pour domestiquer sa solitude et sa mélancolie. Devoir rendre des comptes et payer le prix de sa libération, envers ses propres parents, fournir des preuves et des résultats, cela m'écoeure, quelles peurs démesurées devant le hasard, l'errance et l'égarement ; devoir se justifier, en espérant pouvoir finalement avoir droit au choix, au libre-arbitre, à l'expérience. Gagner sa liberté. Livrer bataille pour l'emporter, et s'en aller.
12/03/2006 On en rirait presque maintenant, de cette histoire qui a commencé il y a un an. On en rirait de notre naïveté, de nous être faites mener en bateau, d'avoir cru chacune les mêmes mensonges. On dit même : "Nous avons tout partagé. Jusqu'à nos amants". La douleur pourtant est là toujours. Elle n'est pas faite pour disparaître, pour s'atténuer, elle reste vive, simplement cachée. Un jour il faudra y revenir, l'écrire, l'analyser, l'emmener encore plus loin même si cela fait mal, il faudra toucher les racines du mal pour l'extraire. Même si je crois que plus jamais cela ne s'en ira. Un an après, la douleur est cachée sous l'humour, sous l'amitié retrouvée intense mais pas inchangée, et pourtant la douleur jalouse et humiliante reste, là, encore là, rampante, suintante, présente dans le corps entier.
16/03/2006 - - Les mots violence Oui je fais des crises. Oui je suis une enfant capricieuse et une femme hystérique. Oui si j'ai envie de crier en pleine rue, de ne pas me soucier des personnes qui m'entourent, je le fais. Et pour rien au monde, cela ne changera. Peut-être que cela te blesse, et tu m'en veux, et cela me déchire. Mais je ne te dirai pas en silence que tu m'as heurtée, que je me suis sentie perdue, trahie, dans le doute et sans personne pour me rassurer. Je le dirai en criant, en pleurant, en tapant du poing contre ta poitrine s'il le faut, je le dirai aussi fort que je peux — parce que je t'aime. Je me donne à toi entière. Je ne fais plus de demi-mesure. Ca ne m'est plus égal. Je t'aime chaque jour, chaque nuit, je t'aime dans mes rêves et dans mes égarements, je t'aime dans mes mots et dans mes lettres, je t'aime en te donnant mon corps, en te livrant mes murmures et mes rires. Je veux te protéger, je veux me nourrir de ton visage calme, je veux tenir tes mains enroulées autour des miennes. Est-ce que tu comprends — que je t'aime ? Je dirai de toutes mes forces que j'ai mal, que j'ai peur, que mes doutes à chaque instant me ravagent, que tu n'y peux rien - ce n'est pas de ta faute, si toutes ces idées me viennent, si je suis seule à creuser des failles - mais j'avance avec ça, je me bats contre ça, je ne sais pas comment me dépêtrer des noeuds d'angoisse qui se font autour de l'amour que j'ai pour toi - et même si tu le dis sans cesse, même si tu l'écris, même si tu m'en offres toutes les preuves, je serai éternellement effrayée, dans le doute, la peur de te perdre - parce que tu sais cela, je t'aime profondément, je t'aime assez pour craindre le jour où tu ne seras plus là. Je t'aime absolument et je voudrais que tes gestes d'amour soient ceux de l'absolu, que rien ne soit un obstacle à l'amour qui doit avoir toute latitude pour s'étendre entre nous. J'ai peur de ne plus sentir tes bras qui m'entourent, j'ai peur sans cesse, même si je t'aime, même si tu m'aimes, je veux toujours plus que l'amour déjà là, je veux quelque chose qui n'existe pas, et je serai triste jusqu'à la mort, je serai triste des minuscules incompréhensions, qui ne sont rien, qui ne devraient pas compter, mais qui deviennent pour moi si graves. Je m'en veux de te mettre face à mes exigences d'absolu - mais quand, quand comprendrai-je que l'absolu, je peux faire un trait dessus, quand accepterai-je que les réalités de la vie transpercent l'absolu ? J'ai peur parce que je t'aime. Je t'en prie, ne doute pas de moi à ton tour, dis-moi simplement, autant que tu t'en sentiras capable, que tu m'aimes. Ne t'offusque pas de mes crises, ne t'inquiéte pas des larmes qui baignent mon visage, je ne sais pas les retenir, je voudrais les cacher parce que cela te perturbe trop, mais je ne sais pas, je pleure autant qu'une toute petite fille, je pleure et je dis tout tout tout ce qui me blesse, tu te sens coupable alors que ne l'es pas, tu es d'une douceur parfaite, et j'espère que tu comprends ma douleur. Mon bel amour aux mains douces, mon garçon au regard calme de Petit Prince, Je t'aime.
J'écoute :
l'album If de
Bernard Lavilliers, la chanson "Cri d'alarme"
18/03/2006 - - Hairdresser Aller chez le coiffeur peut réellement faire un bien fou. Dans cet ancien hangar transformé en immense école de coiffure, une jeune femme - jeune, elle a mon âge - s'occupe de moi et de mes cheveux. Assez des cheveux longs, longs, infiniment longs, qui s'abîment et tombent inlassablement longs. Je veux couper - un peu - je veux avoir les cheveux dans les yeux, que la bataille se fasse dans mes cheveux bien lisses, que ça remue quand je passe ma main à travers. J'ai d'abord droit à un merveilleux massage de la nuque, des épaules et du cuir chevelu, avec des huiles essentielles. Le shampoing dure longtemps, rosemary mint, le massage continue, j'ai toujours adoré que quelq'un passe ses doigts dans mes cheveux, caresse sans fin ma nuque et mes tempes. Je vois mes cheveux tomber sur le sol impeccable des salons de coiffure, four inches, je suis nerveuse et tendue, la jeune coiffeuse me rassure en caressant mon bras. Le résultat est fantastique : cheveux longs jusqu'aux épaules, plus courts devant, une mèche en travers du visage qui glisse jusqu'aux lèvres, volume fou derrière. Je ne me suis jamais vue ainsi. Mes cheveux se balancent d'un côté, de l'autre, c'est amusant comme tout. J'ai l'air plus âgée, plus sérieuse et moins sage. Le visage moins dur et plus fin, parce que mes cheveux d'acajou me balaient le visage. Je ne sais pas bien si j'ai les cheveux roux, châtains, blond vénicien, mais je ne les ai jamais eus si beaux. J'aime follement aller chez le coiffeur. J'ai les cheveux légers, je ressors très fière de ma nouvelle coupe (qui n'aura plus du tout la même allure après le premier shampoing, je prévois déjà les échecs à reproduire le même volume) et j'ai dans un sac des bouteilles de shampoing "miracle". Quatorze heures dix : je suis restée deux heures au salon de coiffure !
19/03/2006 - - Alki Front de mer et muret qui borde la plage d'Alki. Dans la baie, Black Island et d'autres îles, d'autres côtes, plus loin encore les montagnes vierges et enneigées des Olympics, là où s'effondre le soleil. Le soleil n'a pas brillé autant depuis longtemps, il fait assez bon pour ne plus prendre les vestes, simplement marcher le long de la plage, en tenant sa main serrée dans la mienne, ne pas lâcher, s'asseoir sur le petit mur, sa poitrine contre mon dos, ses jambes en arc qui entourent mes hanches, ses mains qui embrassent ma poitrine et sa tête qui vient s'appuyer contre ma nuque... Le bonheur absolu de sentir l'homme que j'aime se reposer sur moi, et de me sentir entourée, protégée par lui. Marcher encore, devant les boutiques, les terrasses, marcher doucement en tenant sa main, toujours, marcher doucement, marcher infiniment, sa main toujours...
19/03/2006 (plus tard) - - Menu Dips et Guacamole/Côtelettes d'agneau aux herbes/Jardinière de légumes d'hiver/Mousse au chocolat noir. Perdu un morceau de mon pouce en épluchant les pommes de terre, ça a été saignant. Suis à la recherche d'un carnet où noter les recettes réussies.
20/03/2006 - - Del Rey Rhum orange pour C, vodka cranberry pour moi. Le Del Rey est un bar de Belltown, un peu vide lorsque nous y entrons pour les "happy hours", à 18 heures un lundi soir... mais l'entente se dessine entre elle et moi, le temps de boire un verre et nous parlons de Paris, de l'université, de la Normandie, de nos amoureux, de la pluie de Seattle, de basket ball. Avant de reprendre la voiture, arrêt chez Macrina Bakery pour acheter du bon pain (Macrina a aussi les meilleurs brownies de Seattle). Il fait très beau à Seattle, les projets de ski, de balades, de sorties au restaurant se multiplient, on parle déjà des baignades dans le lac cet été, et je viens de rencontrer quelqu'un dont la sensibilité est un peu la mienne, celle d'une jeune femme parisienne en relation étroite et sentimentale avec Seattle... La vie me semble très belle , et peut-être que je vais y penser de plus en plus, à revenir un jour vivre ici, quelques années encore de la si belle lumière de Seattle, quand la pluie veut bien s'arrêter de tomber, quelques années encore de la beauté pétrifiante des lacs comme des mercs encerclés par les montagnes noires d'arbres et blanches de neiges.
21/03/2006 - - Au diable les promesses C'est le jour du printemps. Dans six mois, retour de l'automne, un automne parisien de plus. Quelques milliers de kilomètres de distance entre Paris et Seattle. Je serai loin de lui. Je retrouverai une vie, des personnes qui me semblent aujourd'hui lointaines, mais qui reprendront forme et consistance. Je rencontrerai d'autres garçons. Est-ce que je garderai une place pour lui intouchable, indestructible, une place qu'aucun autre ne pourra prendre d'assaut, est-ce que je vivrai dans le souvenir, l'attente et l'espoir de son amour, est-ce que cela me nourrira suffisamment ? Est-ce que j'aurai besoin du contact d'autres hommes, de sentir mon corps entre leurs mains ? Est-ce que j'envisagerai des choses telles que : à Noël nous nous retrouverons pour deux semaines, puis l'été suivant, et ainsi de suite, jusqu'à un jour vivre dans la même ville à nouveau, retrouver le bonheur quotidien, heureux et léger de vivre dans le même appartement, et puis avoir mes enfants avec lui ? J'ai vingt ans et je pense obsessivement à ça. Mais je ne veux pas répondre à ces questions. Je ne veux pas répondre quand les gens me les posent, je ne veux pas répondre quand moi-même je me les pose. Rien ne peut se décider maintenant. Rien ne se décidera même au moment du départ. Seul le temps écoulé, loin l'un de l'autre, décidera. Peut-être qu'il m'oubliera, peut-être qu'il rencontrera une jeune femme qu'il aimera aussi fort qu'il m'aime, peut-être que mon corps débordera et m'emmènera vers des passions qui sembleront toujours plus belles, parce qu'à chaque fois on y croit, on pense que la prochaine relation sera encore plus belle. Je voudrais lui faire des promesses fidèles, et ne jamais lui infliger la douleur de lui retirer mon amour, de l'offrir à un autre ; mais ces promesses sont absurdes, n'ont aucun sens maintenant, ni plus tard, ces promesses ne peuvent tout simplement pas être faites. Il y aura le désir à respecter, le désir qui naît, qui grandit, qui s'éteint et disparaît, le désir qui reste dissimulé pendant plusieurs années, gardé en suspens dans les rêves et les poèmes. Aujourd'hui je l'aime, et demain encore, et peut-être des années encore, mais placée devant la distance, la vie qui avance, le désir qui se transforme, la fureur de vivre et d'aimer, je ne peux pas faire ces promesses.
24/03/2006 - - Père et fille Je n'ai jamais été confrontée à la mort d'un proche, d'un parent, d'un ami. Je n'ai jamais connu cette douleur. Je n'ai aucune idée de ce que l'on peut ressentir. Je ne sais pas dans quel ordre viennent les sentiments. Le père d'une de mes amies est décédé, il avait été malade, et la maladie n'était pas partie. Je ne sais pas quels peuvent être les mots justes dans ces situations, je ne sais pas de quelle façon on peut réconforter, redonner espoir, redonner vie en quelque sorte. Bien sûr on peut être près des gens, on peut les soutenir, leur parler, les écouter. Mais ça ne guérit pas, ça ne soigne pas, ça ne console pas, le coeur a mal, le corps est vide, la vie a un sens différent. Il n'y a que le temps pour apaiser, petit à petit, très lentement. Plus tard il y avait un email de mon père. Je l'ai lu différemment. Dans ce message il m'appelle "Ma Belle". J'étais émue. Et puis c'est l'anniversaire de mon père dans quelques jours. Je n'ai pas encore envoyé de carte. Je lui écrirai bien sûr, par internet, et j'enverrai aussi un colis, je ne sais pas encore ce qui le remplira. Je ne veux pas parler ici, surtout pas ce soir en tous cas, de la relation extraordinairement compliquée que j'entretiens avec mon père. Mais je l'aime, je l'aime beaucoup, il me manque terriblement, j'aimerais ce soir qu'il me serre entre ses bras.
25/03/2006 - - L'après-midi où l'on fait des gâteaux Tarte
à la mousse de citron (trois jus de citron, des jaunes d'oeufs,
du sucre, puis les blancs montés en neige, pâte feuilletée déjà
prête).
26/03/2006 - - Ciel sans limite Le ciel à Seattle, même noyé de nuages, même noir avant que ne tombent les gouttes fines qui viennent très régulièrement mouiller la ville, semble immense et haut, étendu jusqu'aux montagnes noires des Cascades et jusqu'aux sommets blancs des Olympics, au sud ce sont les volcans à explosions, le ciel ouvre au-dessus de moi un espace formidable, où le vent balaie les nuages plus vite que je ne marche vers la baie, tout paraît gigantesque et je me tais, devant cette puissance de l'espace qui force au silence, comme trop lourde, comme écrasante, le ciel très bleu, gonflé de nuages ou lumineux me maquille le coeur d'une sensation de bonheur très doux.
27/03/2006 Corps nu dans les draps chauds collé au sien, également nu, les chairs très blanches et innocentes qui se retiennent l'une à l'autre tout le temps que s'écoule la nuit, les seins sur lesquels passent l'air frais quand il ouvre la porte, alors il les reprend entre ses mains, les réchauffe, je ne pourrai jamais quitter ce lit où s'étend toute notre chaleur, ce lit c'est le lieu de notre amour, c'est le plus bel endroit du monde, c'est là que nous rions le soir avant d'éteindre la lumière, c'est là que nous nous sourions en faisant l'amour jusqu'à ce que je pleure, et me réfugie entre son bras et sa nuque, la tête posée sur son épaule, je m'endors ainsi, je me réveille ainsi, toujours dans le refuge et la chaleur de son corps.
28/03/2006 - - lettre à Margault Nous
nous sommes connues en classe de quatrième. Nous avions treize
ans. C'était... il y a huit ans. Elle avait déjà
de très longs cheveux noirs autour d'un visage très blanc et de joues
brûlantes. Il a fallu quelques mois, quelques années, pour se connaître
et
s'apprécier.
Nous sommes devenues très proches, nous nous écrivions de longues
lettres, nous construisions notre amitié très passionnelle. Je n'allais
pas bien, à quinze ans je me sentais vraiment très mal. Elle m'a
aidée, a toujours été présente. Elle m'écoutait, m'entourait tant
que je ne me sentais jamais à la hauteur pour lui rendre cette patience
et cette écoute. Est-ce que sans elle j'aurais tenu bon face à
toutes les douleurs, les facilités, les perversions ? Peut-être
pas.
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